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Etre psychomotricienne au temps du Covid-19

Dernière mise à jour : 22 mai 2020


Le psychomotricien et la continuité du lien

Géraldine Poncelet, psychomotricienne et chargée de cours à l'institut Ilya Prigogine

J’exerce mon métier de psychomotricienne depuis 6 ans ; au sein d’un hôpital pédiatrique, dans le cadre de l’enseignement des futurs psychomotriciens et en cabinet privé. Je suis aussi maman d’une petite fille de neuf ans.

Dans la vie « avant covid », mes semaines bien remplies étaient organisées, minutées entre mes différentes activités. Tout comme le cadre d’une séance de psychomotricité, cette organisation constituait mon repère spatio-temporel de base, le cadre qui me rassurait, me contenait.

En l’espace de quelques jours, les règles pesantes du confinement se sont empilées les unes sur les autres, jusqu’à former une peau épaisse, protectrice entre le dedans (le cocon familial) et le dehors (le reste du monde). Maintenir la continuité du lien, voilà ce qui occupe toutes mes pensées, du jour au lendemain. Maintenir le lien avec mes proches, le lien avec les patients, les étudiants, le lien avec mes collègues, le lien de ma fille avec sa famille, ses copains, l’école,… Tout le cadre est a redéfinir, qu’est-ce qui peut en sortir, qu’est-ce qui peut y rentrer… Mon espace professionnel tout à coup confondu avec mon espace privé. Une limite pourtant si fondamentale dans notre métier, un nouvel équilibre à trouver dans ce nouveau contexte.

A l’hôpital des enfants, je travaille dans une unité parents-bébé, unité au service du lien. L’équipe pluridisciplinaire, composée de 8 personnes, y reçoit chaque semaine une quinzaine de familles. Nous accompagnons des bébés et leurs parents pour qui l’accordage pose des difficultés parfois majeurs et pouvant entraver le développement de l’enfant. Nous sommes à leur côté dans les activités du quotidien, quand il est difficile d’être ensemble, de se séparer, de jouer, de se parler, de s’écouter, de se regarder, de se toucher… C’est un travail de tissage minutieux qui demande du temps, de l’expertise, mais aussi, d’observer, de s’écouter, de s’adapter, de se questionner, de se connaitre.

Ces compétences que j’enseigne aux étudiants, le psychomotricien les connait bien, en tant que professionnel de la relation, lui qui s’engage corporellement et veille au dialogue tonico-émotionnel qui s’instaure, lui qui est un partenaire symbolique et accompagne la personne à mettre des mots sur son vécu corporel. Ce travail du corps dont le psychomotricien est dépositaire est essentiel, il favorise une mise en lien de son propre développement et de sa relation avec l’autre.

Alors comment penser la continuité du lien lorsque le corps est tout à coup mis à distance ? Ce corps aujourd’hui instrumentalisé comme véhicule d’un virus potentiellement mortel et non plus comme le véhicule fondamental de nos émotions, de notre lien à l’autre, de notre lien au monde, et qui peut se raconter dans l’espace de jeu que je propose. La continuité du lien s’est enracinée pour moi dans le partage. Partager par un autre media que celui du corps, l’émotion qui nous habite et qui nous nourrit. Mettre en pensée ce flot émotionnel, ou se mêle inquiétude pour les plus fragiles, incertitude du cadre, joie de se retrouver, plaisir de ralentir, émerveillement d’observer ce qu’on ne prend plus le temps d’explorer…

Ce media a été pour moi celui de l’écriture, de l’image, pour transmettre que j’étais toujours présente et contenante, que même si mon espace de jeu était fermé, l’espace de ma pensée restait toujours en activité.

J’ai retrouvé plaisir à créer et partager différents écrits pour accompagner et maintenir la continuité de mon travail.

Cette période a été source de beaucoup de questionnements sur mon métier ; sur la manière dont je m’engage, sur le sens que j’y mets, sur les outils que j’investis, sur les liens que je construis.

Mon nouveau cadre m’a ainsi poussé à penser, observer, à créer, à m’émerveiller, à partager, … à grandir.


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